
Ici s’arrête le Doubs
Les géologues craignaient que cela arrive, observaient la zone depuis le 6 juillet : c’est arrivé le 28 juillet. Le Doubs a disparu au niveau son entrée dans le village de Maison-du-Bois. Cette zone située entre Pontarlier et Morteau, en amont du défilé d’Entre-Roches, était connue pour ses pertes qui alimentent en partie les sources de la Loue. C’est ainsi qu’en 1901, suite à l’incendie de l’usine Pernod de Pontarlier, la décision fut prise de vider les cuves d’absinthe dans le Doubs pour limiter les dégâts. Deux jours plus tard, la Loue affichait une couleur verte et dégageait l’odeur caractéristique de l’absinthe. Le lien entre le Doubs et la résurgence de la Loue était alors évident.
Ce qui l’est moins, c’est l’apparition de nouveaux siphons, au nombre de cinq, qui ont aspiré l’eau du Doubs dans la nuit du 27 au 28 juillet 2018. Depuis, ils ont été bouchés dans l’urgence avec des pierres, mais cela ne change rien à la situation et ce, malgré un soutien en eau venant du lac de Saint-Point. Le Doubs est sec entre Maison-du-Bois en l’aval du défilé d’Entre-Roches. Aux abords de Morteau, 2 m³/s coulent grâce à quelques menus affluents.
Il faut savoir qu’en cet endroit et à cette saison (le suivi des débits Hydroreel en atteste), le débit du Doubs à Pontarlier (en amont des pertes) avant la disparition de l’eau était à peine de 2 m³/s, soit une situation très critique et à peine tenable pour la rivière.
Le 31 juillet, une réunion s’est tenue en urgence sur place en mairie de Ville-du-Pont avec des géologues, la DDT, l’AFB, la DREAL, la Fédération de Pêche du Doubs, les AAPPMA locales, Météo France (qui n’annonce pas de pluie jusqu’au 15 août, et ne peut se prononcer sur la suite) ainsi que les maires des communes concernées.
La seule solution envisageable serait de détourner le lit du Doubs sur au minimum plusieurs centaines de mètres, en espérant que le risque de voir se créer de nouveaux siphons ne soit pas une menace permanente. Le 31, un chiffre, calculé à la louche, de 20 millions d’euros a été avancé. Du côté de la Loue, on voit d’un mauvais œil cette façon de shunter les pertes qui, pour certaines, alimentent la source de la rivière. Les nouvelles pertes n’ont eu en tout cas aucune incidence sur le débit de la Loue qui n’a pas bougé depuis au moins quinze jours.
D’après les géologues, ce sont les crues violentes de ce printemps qui seraient à l’origine de cette modification du lit mineur et de l’apparition de ces nouveaux siphons. Pour l’heure, personne ne sait où passe cette eau, ni où elle ressort.
Pour les communes concernées, cette mauvaise farce du Doubs pose le problème de l’eau potable, et des rejets des stations d’épurations dans une rivière sans eau ! Ce sera à n’en pas douter l’occasion de vérifier si ces rejets sont aussi « propres » qu’on veut bien nous le dire…
Et en attendant, les pêcheurs doivent, à titre bénévole, ramasser des tonnes de poissons morts qui partiront à l’équarrissage. Essentiellement des chevesnes, tanches, gardons, goujons, vairons mais aussi des truites qui, même avant cet épisode, étaient en survie sur ce secteur très exposé au soleil et souffrant d’un manque d’eau chronique chaque été.
Cette situation a de quoi inquiéter les amoureux du Doubs plus en aval. Elle prouve en tous cas qu’il faut plus que jamais prendre soin du Doubs, que l’époque où les usines hydroélectriques tournaient à plein régime est révolue. En pleine négociation au sujet de l’arasement du barrage du Theusseret (en amont de Goumois), voici une nouvelle qui n’amène pas d’eau au moulin des pros barrages…